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Histoire de la bibliothèque de Saulieu, par P.Gras, conservateur de la bibliothèque de Dijon.

Fait à Dijon en juillet 1973.

 

La bibliothèque de Saulieu.

          L’abbé Claude Sallier, né à Saulieu en 1685, eut une brillante carrière grâce à son travail et son goût pour l’érudition. Lorsqu’il mourut en 1761, il  était garde des manuscrits de la Bibliothèque Royale, professeur d’hébreu au collège du roi (Collège de France), membre de l’Académie Française et de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres.

          Son éloge funèbre dit «  qu’il se souvenait que la rareté des livres aurait pu retarder ses progrès, parvenu à une fortune honnête, il s’est fait un devoir de remédier à cette stérilité, il a formé, à ses dépens, dans le collège de Saulieu, une bibliothèque choisie… »

          Nous ne possédons pas l’acte de donation (on sait seulement que les premiers livres arrivèrent à Saulieu en 1744) mais il est certain que l’abbé Sallier avait voulu fonder ce qu’on appellerait aujourd’hui une bibliothèque municipale. Une pratique assez fréquente à l’époque consistait à confier les bibliothèques publiques à des communautés religieuses ou à un collège. C’était le cas à Dijon où la bibliothèque fondée par le chanoine Févret en 1701 était gérée par les Jésuites du collège Godran. On peut penser que l’abbé Sallier s’inspire de l’exemple dijonnais.  En tout cas son compatriote l’abbé Courtépée, dans l’article sur Saulieu dans sa « Description du duché de Bourgogne » (tome V paru en 1781) dit  que l’abbé Sallier «  à commencer de former une bibliothèque publique ». D’ailleurs l’Ex Libris imprimé porte : » Bibliothéca sedelocensis.Dono D.D.Sallier regii professoris » avec les armes et le nom de Saulieu et la devise « His lilia tuebimur armis ».

        La ville de Saulieu s’occupa avec soin de sa bibliothèque. En 1785, elle engagea des poursuites contre les héritiers du principal lequel avait emprunté des livres de cette bibliothèque et ne les avait pas rendus.

        La pratique du catalogue sur registre et non sur fiches obligeait à des rédactions successives. Les archives communales de Saulieu citent des catalogues de 1769 et 1790 et en renferment d’autres de 1816, 1830, 1834,1869.On emploie indifféremment les termes de « bibliothèque du collège » et de « bibliothèque établie au collège de Saulieu ».

       L’inventaire de 1834 est particulièrement intéressant par les circonstances de son établissement. Il fut dressé à la suite d’instructions du préfet de 6 décembre 1833 envoyées en vertu d’une circulaire du ministre de l’Instruction Publique au sujet des bibliothèques publiques. Sur le conseil du sous-préfet de Semur, Larribe, qui donna en exemple ce qui se faisait à Semur ou Montbard, le maire, Mérandon, voulut s’assurer «  le concours des lumières et du zèle d’une commission spéciale » et il nomma dans cette commission trois conseillers municipaux, le principal du collège, un docteur et deux propriétaires (17 décembre 1833) .

      Cette mesure amena une protestation du recteur de l’académie de Dijon, Nicolas Berthot, » Cette bibliothèque, écrit-il, est la propriété particulière du collège de Saulieu et non de la ville…elle a été léguée à cet établissement par les testaments de M.Bidault et précédemment par celui de l’abbé Sallier…cette bibliothèque doit rester à l’usage du collège seul, elle ne pourrait devenir bibliothèque publique de la ville sans méconnaitre les intentions des testateurs et sans compromettre l’ordre, la discipline et les études de l’établissement. » (6 janvier 1834).

      Dans une réunion extraordinaire du 12 janvier, le conseil municipal de Saulieu constata «  après une longue discussion, l’inutilité complète dans laquelle est restée jusqu’ici cette bibliothèque, composée de livres presqu’en totalité au-dessus de l’intelligence des élèves », et il émit le vœu que «  sans en contester la propriété au collège…cette bibliothèque puisse être ouverte au public le jeudi de chaque semaine, jour où les classes sont en vacances, ce qui, par conséquent, ne pourra nuire à l’instruction des élèves, ni compromettre l’ordre et la discipline des études ».

      Un règlement du 8 mars fixa l’ouverture de la bibliothèque le jeudi de 1h à 4h du soir. L’inventaire fut rédigé par ordre méthodique selon les prescriptions alors en vigueur. Un double fut établi, authentifié par le maire le 18 mars, et remis au préfet. Il est aujourd’hui à la Bibliothèque Nationale. En le transmettant, le maire demandait au ministère «  des livres d’histoire ancienne et moderne, de géographie et…de bons manuels d’agriculture et d’arts mécaniques ». Il ajoutait qu’il est de toute justice de rendre à la bibliothèque les œuvres de Voltaire et de Jean-Jacques Rousseau, ouvrages vendus par ordre de l’Académie ».

      La bibliothèque fonctionne ensuite normalement avec une activité réduite (26 prêts de 1834 à 1843). Elle bénéficia de dons d’ouvrages de l’érudit local Maillard de Chambure, du Conseil Général de la Côte d’Or, de Jean Vatout, alors député et bibliothécaire de Louis Philippe, qui avait été sous-préfet en 1837 et 1855, ils sont à la Bibliothèque Nationale.

      En 1875 la bibliothèque comprenait « 7 à 800 volumes » dont 516 au collège et le reste à la mairie. Jusque vers 1886, les circulaires du bureau des bibliothèques au Ministère de l’Instruction Publique sont adressées à Saulieu ; elles sont conservées avec les circulaires des autres ministères, qui concernent nettement la bibliothèque du collège ou celle des professeurs. Puis l’existence de cette bibliothèque semble être oubliée.

Une autre bibliothèque avait été créé à Saulieu au moment de la vogue « des bibliothèques populaires ». A la suite d’une circulaire du préfet sur les bibliothèques, en date du 31 janvier 1873, il est dit qu’il y a deux bibliothèques à Saulieu « l’ancienne du collège, actuellement à l’Hôtel de ville, a été fondée par M. Sallier, né à Saulieu, bibliothécaire du roi en 1760. La bibliothèque moderne a été fondée par la Société de Secours Mutuels en 1868. » Celle-ci ouverte tous les jours, compte 800 volumes, mais le prêt, qui a causé la ruine en grande partie de l’ancienne bibliothèque du collège…a déjà fait disparaitre une partie des meilleurs ouvrages de la seconde ». C’était sans aucun doute faute de personnel.  Le secrétaire de la mairie qui est en même temps secrétaire de la Société de Secours Mutuels est bibliothécaire sans rétribution.

      Il est évident qu’à notre époque, les ouvrages de l’ancienne bibliothèque Sallier sont encore plus inutiles aux études courantes qu’en 1834 .Il serait souhaitable que, dans le lot de livres conservés au collège et à l’Hôtel de Ville un tri soit fait pour distinguer ceux de la Ville et ceux appartenant en propre au collège  et que soient rassemblés ce qui reste de la bibliothèque Sallier avec les accroissements du XIXème siècle.

      Comme le montre le catalogue fait actuellement à la bibliothèque de Dijon, il y a parmi cette bibliothèque, ainsi que le maire de Saulieu le faisait remarquer en 1873, des ouvrages « estimés et précieux ».

 

 

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