Cela frappe Annabelle un jour comme une évidence : c'est autrement qu'il faut se nourrir. Sans gras, sans sucre, sans viande. Adolescente de 16 ou 17 ans, Annabelle vit avec son jeune frère et sa mère à Blévin, petite commune belge sans histoire, et fréquente, le " bon " lycée de la ville. Certes, son père a quitté la maison mais la famille tient dans un équilibre qui n'affiche pas de fragilité. Pourtant, Annabelle bascule. Au fil des semaines, elle mange de moins en moins, compte tout ce qu'elle ingurgite, elle se purifie de toute cette nourriture " néfaste ", superflue. Et c'est un succès. Annabelle perd des kilos, elle est fière de sa maîtrise, la pureté l'emporte. Le contrepoint, c'est Violette, la mère de la jeune fille. Une " mère suffisamment bonne ", démunie face à la déraison de sa fille et qui se débat comme elle peut pour parvenir à extraire Annabelle à cette logique démente. Marie Claes excelle à nous mettre dans la peau de cette mère et de cette jeune fille, à donner un sens à la décision absurde d'une adolescente qui tombe dans l'anorexie comme on arrive à une conclusion logique. Et c'est tout l'enjeu de ce texte qui, sans jugement, sans pathos, nous met face à la lente déliquescence du corps d'Annabelle, face à un désir de contrôle inextinguible. Contrôler à tout prix dans une vie, un corps, un monde qui toujours nous échappent à 16 ans comme à 40. L'écriture de Marie Claes est à la fois simple et fulgurante, poétique par endroits, jamais terre à terre. Elle traite de la folie ordinaire, du regard désespéré sur cette folie avec puissance, intelligence et délicatesse. Jeune autrice de 28 ans, Marie Claes est enseignante en philosophie. Elle offre une très belle promesse avec ce premier roman
